De toi à moi

Je lis peu. La fatigue. Le manque de temps. De douces excuses… Moi qui dévorais des centaines de pages par jour depuis l’âge de 6 ans. Toujours est-il que je lis peu. Depuis que tu es là.

Lilie-Belle, ma tempête, ma tornade

J’ai appris un soir que ma vie allait changer. La lueur du jour faiblissait. Un coup de fil. Quelques mots. Une évidence s’est imposée à moi : quels que seraient nos choix, il faudrait désormais penser à deux. À trois. Quoi qu’il advienne, je ne serais plus jamais la même.
J’ai tourné en rond, fait les cent pas pendant des minutes qui m’apparaissaient infinies. Fébrile, j’attendais celui qui serait un jour ton papa. Pour me jeter dans ses bras. Sans parler, sans respirer.
Le temps s’est arrêté. C’était un mardi du mois de mai. Il faisait nuit. Nous sommes partis voir l’océan, le soir même, cinq jours seuls tous les deux, cinq jours à penser à toi. Déjà.
Cinq jours sans presque se poser de questions. Cinq jours de ce tout premier mois. Jusqu’à ce regard que nous avons échangé et assumé : oui, en janvier tu serais là…

Tout a redémarré

Pour ne plus s’arrêter. Mes nuits se sont raccourcies, mes rêves se sont transformés, tu en faisais partie. J’ai découvert la peur, la vraie, l’unique, celle qui ne porte pas sur soi, celle qui prend aux tripes. Je t’ai attendue, sans t’imaginer, sans te posséder. Telle une montgolfière, j’ai inspiré, gonflé mes joues, mes hanches, mon antre. Et j’y ai abandonné mes pensées. Je t’ai attendue, rêvée, écoutée, chantée. Il n’y avait plus de place pour moi. J’ai arrêté de lire. J’ai arrêté de dormir.

Et tu es arrivée

Tu voulais vivre, profiter. Tes yeux ne se fermaient jamais. Les miens ne se fermaient plus. Quelques nuits plus tard, ton minuscule petit être marbré d’un bleu-gris, tes râles, m’ont sortie de ma torpeur. Sans réfléchir, mon corps, dans l’urgence, m’a guidée. J’ai choisi de tout te donner, vidée, passionnée, je te regardais me regarder, je courais après le jour, après la nuit, après la vie. Que tu as choisie. Puis nous sommes rentrées chez nous, loin des blouses blanches, loin de cette perfusion qui te gardait emprisonnée dans ce petit lit-cage immaculé.

Le brouillard s’est dissipé

J’ai enfin pu pleurer. J’ai baissé les armes, je t’ai caressée de mes larmes, nos yeux se sont fermés. Ensemble. Unies. Apaisées.

Peu à peu, des couleurs sont apparues. Nous avons dormi, épuisées, bercées par ce trop plein de lutte et de douleur. Mon corps, qui m’avait échappé, m’est revenu peu à peu. Le temps s’est adouci. Nous avons appris à vivre l’une avec l’autre, et non plus l’une pour l’autre. Six mois étaient passés. Une immensité. Un soupir. Tu étais là. Mais surtout, j’étais enfin là aussi.

J’espère que ces mots ne sont pas trop mièvres, ou que du moins, s’ils le sont, tu ne m’en tiendras pas rigueur.

Face à une telle évidence, une telle foisonnance, j’ai oublié instantanément le regard des autres. Cette poésie sera la nôtre. Et peu importe cette époque où être mère est synonyme de liberté fanée, tu es ma prison, ma forteresse, mon hirondelle. Lilie-Belle.
Trois ans plus tard, nos échanges de regards sont toujours aussi intenses. J’en perds l’équilibre parfois, souvent. Tu es là, je ne te possède pas, je m’offre à toi. À tout jamais là. Pour toi.

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