Espèce d’Emerging Adult, va !

En flânant sur un célèbre magasine web féminin, pendant l’un des (malheureusement trop nombreux) moments où j’aurais mieux fait de déconnecter le wifi de mon ordi pour me concentrer sur des tâches hautement plus urgentes (comme l’avancement de mon mémoire à envoyer à ma directrice de recherche pour lundi dernier, aheummm), je suis tombée sur une « catégorie » qui m’a brutalement interpellée. Au milieu de l’arborescence classique, et Ô combien intellectuelle que nous connaissons tous (beauté, cuisine, société… Que ceux qui n’ont jamais feuilleté Glamour ou GQ me jettent la pierre, je suis parée), trônait ce petit encart totalement déstabilisant : « Devenir adulte ». … … … Voilà, voilà… Donc on t’apprend comment confectionner le plus choucrouteux des half-buns, et à côté de ça, on t’invite à repérer les signes qui font de toi un Tanguy en puissance, on te donne des bons plans pour t’adapter quand tu changes de ville, on t’indique « comment recevoir (et mettre à profit) les critiques? », etc., etc. Comment devenir adulte, donc. Nous faudrait-il des tutoriels pour tout, y compris pour exister ?

Je me mets à la place de nos parents, ou même tout simplement de la génération de 10 ans nos aînés. Se posaient-ils ce genre de questions ? Avaient-ils besoin d’un si long chemin initiatique vers l’âge « adulte » ? Y avait-il un rite de passage, dont nous aurions perdu la notice en cours de route ? Avons-nous besoin après l’enfance, la pré-adolescence, l’adolescence, d’un nouveau cap à passer, pour repousser au maximum le moment où il faudra bien se rendre à l’évidence et s’avouer que « Oui, nous avons bien des responsabilités » ?

Je repense à cette phrase, que m’a dit il y a peu une jeune maman : « Quand je dis « mon mari », j’ai l’impression d’être vieille ». Et ça m’a fait rire, car moi aussi, je n’arrive pas à dire mon mari… Comme la plupart de mes amies qui ont pourtant convolé en justes noces, on préfère le prendre avec ironie, donner du « mon époux » avec cynisme, mon mec, mon conjoint… Mais nous semblons avoir du mal à assumer le côté désuet, planplan, conféré par notre statut administratif.

Pourquoi cette génération, notre génération, communément appelée Génération Y (je prévois un petit topo très bientôt pour ceux à qui cette expression ne parlerait pas), n’arrive pas à assumer son âge, se complait dans une adolescence sans fin, se perdant dans des limbes aux contours indistincts, certains ayant déjà, pourtant, des enfants ?

Ces questions trouvent écho dans un article que j’avais lu l’an passé, écrit par un psychologue et professeur américain : Jeffrey Jensen Arnett. Il est l’un des premiers chercheurs à s’intéresser à cette génération, plus tout à fait dans l’adolescence, mais qui ne se considère pour autant pas encore adulte : l’emerging adult. En gros, l’adulte en devenir. On est en plein dedans : on fait des études à rallonge, on explore tout « avant qu’il ne soit trop tard », on picole, on sort, on ne se marie pas, ou alors tard (idem pour la reproduction),  on part de chez nos parents, on s’installe à l’étranger, on revient se ressourcer sur le canapé de Maman qui nous fait des Tupperware pour la semaine…

Le maître mot : instabilité.

Oui, mais choisie.

Oui, mais expérimentale.

Oui, mais fondatrice. Jusqu’à être autosuffisant. Ou accepter d’être soi, sans étiquette, tout simplement.

Bon, relativisons, Arnett a basé sa théorie sur l’étude de jeunes américains. Ce concept d’adulte émergeant est donc culturellement très connoté. Cela dit, j’ai vraiment le sentiment que cette question reste à creuser. Pourquoi cette frilosité ? Que revendiquons nous en portant des baskets, en se remettant au skate, en ressortant nos vinyles et nos cassettes ? De quoi avons nous peur au final, ou qu’avons nous à prouver ?

Et toi, qu’en penses-tu ? Adult or not adult ? That is the question…

La bise chocolatée (je viens de manger un BN en buvant un thé dans mon mug Disney. Chercher l’erreur…), et une excellente fin de semaine à vous !

 

Référence :

Arnett, JJ. (2000). Emerging adulthood. A theory of development from the late teens through the twenties. American Psychologist, Vol. 55(5), 469-480.

8 réflexions au sujet de « Espèce d’Emerging Adult, va ! »

  1. Et bien perso je ne me sens pas du tout là dedans… Je crois que j’ai dans ma tête fait le deuil du côté « djeun’s », dont j’ai bieeeennnnn profité. C’est avec plaisir que je parle de « mon mari », j’ai quitté les fringues de minette, en me disant que « quand même, à mon âge ça ferait vulgaire », et quand je vois les filles de 20-25 ans je ne me sens pas de la même génération qu’elles, alors que 10 ans nous séparent…
    Je ne crois pas avoir eu de rite de passage, mais plutôt la sensation d’avoir fait le tour de ce que pouvait m’apporter ma vingtaine, et aujourd’hui de profiter de ce que m’offre la trentaine: mon mari, mes enfants, un boulot, une jolie maison… Ca peut paraître plan-plan, mais je suis heureuse comme ça!
    Peut-être est-ce la réalité des responsabilités qui m’a fait devenir adulte.
    Et puis, je ne crois pas qu’il y ait une façon d’être adulte, comme il existerait une façon d’être enfant ou ado ou vieux. Chacun son histoire, qui nous fait grandir comme on peut, et pas forcément comme les magazines nous le soumettent.
    Des bisous!

    1. Effectivement, c’est ce côté « tutoriel » qui m’a interpellée. Deviens bonne, deviens fashion, deviens mince, deviens adulte… Tant d’injonctions vides de sens !
      Et je te rejoins, je n’ai jamais été aussi « bien dans mes bottes » que depuis que je vis avec mon mari, nos deux filles, dans notre cocon, un peu trop petit mais où nous nous tenons chauds 🙂 . Quand je vois les « filles » de 16, 20, 25 ans, que je suis heureuse de ne plus en être là, d’être une « femme », d’avoir su profiter des années passées, mais surtout d’attendre avec plaisir celles à venir.

      1. Bonsoir à toutes!
        Je tiens à témoigner car je ne me sens pas ados, pas adulte, mais plutôt une personne qui vit le mieux possible au jour le jour, sans prévoir mon devenir. Pourtant penser à l’avenir peut m’angoisser. Le modèle de mes parents est celui de deux « adultes » mariés depuis 47 ans, couple stable et solide.
        Je vais avoir 40 ans cette année et je suis enceinte de mon premier enfant, bien sûr par accident, erreur de calcul… Mon compagnon et moi sommes en union libre, aucune forme d’engagement ou de prévoyance. Je suis sans emploi pour le moment et mon CV ressemble à un répertoire d’institutions sociales et médico-sociales. Ma préoccupation actuelle est de ne pas prendre trop de poids, de rester jeune le plus possible: crème anti-rides, anti-vergetures, hydratantes, activité physique et alimentation saine…
        On pourrait croire que je suis les conseils de Biba , Elle, Femme actuelle et autres. Pas du tout! En fait, je suis une maniaque du « contrôle ». Eh oui, le besoin de tout contrôler, y compris mon esprit par mes lectures, mes sorties culturelles, mes voyages… Alors certains verront, dans ces conduites et comportements, une instabilité, une peur de grandir ou devenir adulte. Peut-être oui! Néanmoins, je ne le ressens pas ainsi. C’est une façon de me sentir libre, je me dis que j’ai des ressources qui me permettent de réagir et d’agir face aux situations qui se présentent à moi, à nous et bientôt à nous trois. En fait, j’ai cette impression d’être vivante à chaque instant, même les chagrins, les doutes me font vivre des émotions riches.
        « Adulte » aujourd’hui se définit par le contexte: une personne qui assume ce qu’elle est, ce qu’elle fait, ce qu’elle pense, une personne qui est autonome, capable d’agir en conscience. Une personne « instable » qui s’assume peut ainsi être un « adulte ». Par contre, une personne se développe tout au long de sa vie: un jour ado, un jour « adulte » et demain??? Un vieux con? Un vieux gamin? Un mouton de Panurge?
        Sinon un « adulte » en France, c’est à partir de 18 ans (âge de la majorité), un âge où le développement biologique permet d’avoir les os solides, de porter nos projets de vie sur nos épaules. 😉
        Alors des tutos pour « devenir un adulte » ? pourquoi pas? Une sorte de coaching?
        Pour conclure, je me permets de donner un avis très personnel . Je pense qu’il faut favoriser l’imagination des tout-petits et aider les jeunes à acquérir un libre arbitre. Je pense que c’est la base de notre capacité à « devenir adulte », chacun à sa façon, avec ou sans tutos.
        Bisous à toutes.

      2. Quel témoignage, je n’en attendais pas moins venant de toi ;-). Et quelle bonne nouvelle, les « accidents » font toujours les meilleures des surprises ! Il faudrait se boire un café à l’occasion, à la fac, ou ailleurs… Merci en tous cas d’enrichir et ouvrir le débat ! À vos plumes !

  2. Comme cet article me parle! Je ne suis pas mariée (et loiiiiin de là!), mon mec vient de s’acheter son 2e skateboard (et de fêter ses 36 ans), cette semaine nous sommes allés au concert des rappeurs qu’on écoutait dans les années 90 (c’était hier quoi), quand j’ai des clientes qui sont nées la même année que moi je ne peux m’empêcher de demander à mes collègues « mais je ne fais pas si vieille, si!??! ». Quant à la question des enfants bouuuuuuduuuuuuu mais j’ai le temps! La réponse est clairement Not adult et pourtant j’ai l’impression d’avoir déjà vécu 2 vies! Mais c’est vrai que tout se fait tellement tard (études, départ des parents, rencontre de la moitié, enfants) et on nous a tellement rabâché qu’à 45 ans on n’était à peine à la moitié de sa vie qu’il est difficile à 30 ans de se considérer comme nos parents à 20 ans.
    P.S.: j’ai toujours mon énorme mug Minnie acheté avec toi, impossible de m’en séparer! 😉

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