Le burn-out parental, ou le sombre et solitaire quotidien du congé maternité

En faisant le tri dans mes innombrables brouillons de billets à publier, je suis retombée sur celui-ci, écrit il y a quelques mois de ça. Je ne l’avais pas écrit pour moi, mais en collaboration avec Nos trucs de filles, qui récoltait des témoignages sur le burn-out parental.

Un rocher au milieu de l'eau qui menace de s'effondrer

Plus récemment, mon amie Maman BCBG a elle-même fait son coming-out, et je pense que nous sommes nombreuses et nombreux à avoir un jour, sinon même plusieurs mois, connu cet essoufflement et cet épuisement, surnommé avec banalité « burn-out parental ».

Alors je reprends, je reformule ces quelques mots, qui résonnent encore si profondément en moi, pour vous les partager, pour démontrer si cela n’a pas encore été fait, que le temps apaise nos tourments et que, si l’on sait l’écouter, nous redonne la force d’aller de l’avant.

Nous sommes nombreuses, il me semble, à tirer sur la corde pour porter à bouts de bras le quotidien, avec sans autre résultat le soir qu’une mine déconfite, des kilos accumulés, et un salon digne du remake d’Independance Day (sans Will Smith, y’ a pas le budget). Nous sommes nombreuses à regarder nos enfants le ventre noué, à se demander comment nous ferons pour survivre encore, et encore, et chaque jour, tout recommencer.

En posant ces mots ici, je pense à certaines de mes amies qui, en ce moment même, errent entre la cuisine et le canapé, un bébé hurlant collé contre leur ventre tremblant. Et j’espère que ce message les rassure, ou du moins, leur rappellera que je suis là, que nous sommes là, femmes d’ici et d’ailleurs, de maintenant et d’autrefois, à mener les mêmes combats.

Le quotidien d’une mère en congé maternité

Il est 18h30. Elles jouent. J’écris. Ces quelques mots n’auraient pas pu exister il y a quelques mois, voir quelques semaines, et peut-être même quelques jours, pour être tout à fait honnête. Le temps passe, et en déroulant son lot de surprises et de courses folles, il nous fait un cadeau que l’on attendait plus : celui d’avoir du temps, justement.

Car bien avant d’être celle que je suis aujourd’hui, qui jongle entre les couches, les lessives, les repas, les balades au square, les câlins, les histoires et les petits bobos nécessitant un pansement, j’ai été celle qui se cache, celle qui s’effondre, celle qui rêve d’ailleurs.

J’ai été celle qui pleure le matin à la perspective d’une nouvelle journée sans fin, où il faudra tour à tour courir, bercer, nourrir, câliner, laver, changer, soigner, bercer, promener, endormir. Une nouvelle journée comme tant d’autres, où peut-être que le simple fait de prendre une douche sera à reporter au lendemain.

J’ai été celle qui sanglote sur son canapé en plein après-midi, pendant qu’un bébé hurle dans son petit lit, sans fermer les yeux, sans accepter d’être posé, jamais. J’ai été celle qui voudrait juste un peu d’espace, des boule-quies, une soupape pour pouvoir dormir, ne serait-ce qu’une demie heure, si ce n’est quelques heures…

J’ai été celle qui pleure le soir, épuisée, parce que même à près de 23h, les pleurs et les appels n’en finissent jamais de se succéder. J’ai été celle qui les yeux embrumés, regarde par la fenêtre en se disant qu’elle aimerait bien s’envoler, les quitter pour être un peu plus légère et ne plus avoir de biberons à donner.

J’ai été celle qui se sent profondément seule, abandonnée, au milieu pourtant de tant d’être aimés. Car malgré tout, il y a un homme, qui l’aime à se damner, qui soutient, qui est doux, patient, et attentionné. Il est fou de se ses enfants, leur lit des livres et leur apprend à chahuter. Il a beau passer l’aspirateur, faire la cuisine et donner le bain, tous les matins, irrémédiablement, il part la laissant seule avec son chagrin. Il a beau la regarder avec douceur, quand sonne le glas matinal, il s’envole vers d’autres cieux, la laissant embourbée dans son fabuleux congé maternité.

Jusqu’à ce jour où tout explose, tout s’effondre, ce jour où l’on se réveille en réalisant que l’on est presque plus rien.

À ce moment, quand le corps heurte le sol si violemment, une alarme stridente retentit. Au lieu de l’ignorer, de la repousser au loin, on peut choisir de la laisser nous inonder, et de l’écouter.

Pour ma part, j’ai fait le choix de consulter une pédopsychiatre, en compagnie de ma fille, qui n’était alors qu’un nourrisson. En quelques séances (3 ou 4, je ne sais plus), elle m’a rassurée, m’a permis de déculpabiliser, de comprendre qu’il était normal, dans cet état de fatigue constant, dans cette solitude diurne et ce tête à tête avec mon enfant, de me sentir à bout, impuissante, et vidée de toute joie de vivre. En quelques semaines, elle m’a permis de réaliser qu’il était essentiel de prendre de la distance, de penser à moi, de me ménager un peu de temps et d’espace pour me retrouver.

Finalement, elle m’a suggéré d’écrire. C’est le plus beau conseil que l’on m’ait donné.

Aujourd’hui, certains jours sont plus faciles que d’autres, parfois je nage parmis les légos le sourire aux lèvres, parfois j’ai l’impression de me noyer dans un biberon, mais je l’exprime, je le dis, je l’assume, je le vis.

J’ai dû renoncer à certains idéaux, abandonner une carrière professionnelle en laquelle je ne trouvais plus le salut escompté.

Et au final, après maintenant quelques années, je m’endors chaque soir apaisée, me disant encore et encore :

Quelle belle et douce journée…

 

28 réflexions au sujet de « Le burn-out parental, ou le sombre et solitaire quotidien du congé maternité »

  1. Oh non ! Moi qui avait réussit à survivre jusque là j’ai peur de voir le prochain lundi matin, quand papa fermera la porte, différemment…
    C’est vrai qu’on se sent perdus dans cette solitude parfois, mais quand je vois mon bébé sourire et changer un peu plus chaque jour, je suis exactement en train de vivre la vie que je voulais… je suis exactement là où je dois être.
    Courage aux mamans qui se sentent seules !

    1. C’est un paradoxe impossible à imaginer tant qu’on ne l’a pas vécu… Une fusion incroyable, un bonheur envahissant, et parfois aussi un désarroi total. Je pense que le manque de sommeil est l’un des facteurs qui joue le plus insidieusement sur le moral, heureusement, cela ne dure qu’un temps ! Profite de ces beaux moments, on le dit déjà souvent mais… Ils filent tellement vite ! Bises

  2. C’est un magnifique témoignage. Je me rappelle très clairement de ces moments où je n’en pouvais plus de ce bébé qu’on ne pouvait jamais poser aussi. De ces tentatives de siestes avortées car bébé hurle dès lors qu’on ferme un oeil. Se repose quand bébé dort oui … Mais s’il ne dort jamais (ou par micro siestes de 10 minutes) on fait quoi ?

    1. Exactement !!! Je me souviens avoir marché pendant des heures dans ma rue en poussant la poussette les yeux fermés, pour me reposer en marchant 😀 ! On en rit quelques années plus tard, mais sur le moment, on se demande si l’on est pas en train de frôler la mort cérébrale. Je pense que le manque de sommeil est le facteur le plus aggravant. Heureusement, on finit toujours par s’en sortir un jour ou l’autre, mais parfois le chemin est long…

  3. Tes mots résonnent en moi! Je me reconnais … il y a des moments magnifiques dans la maternité et d’autres plus sombres, plus difficiles et encore tellement tabou! De quoi on se plaint? On a un beau bébé (et parfois plusieurs autres enfants) c’est magnifique ! Merci pour ces mots

    1. Et merci à toi d’être passée par ici… Oui il y a de beaux moments, mais ceux-là semblent être une évidence. Et les autres, on les cache, par peur du jugement, à commencer par le nôtre qui est parfois le plus sévère. Bises

  4. Je te comprends, mon congé maternité pour ma fille a été court mais j’étais vraiment contente de retourner bosser, revoir des gens, m’habiller chaque jour… Pour mon deuxième, ça a été différent, j’avais réussi à trouver un rythme qui me convenait à la maison et je devais quand même sortir pour amener ma fille à l’école et aller la chercher (du coup, je voyais du monde aussi). En fait, c’est maintenant que c’est un peu dur, je donnerais beaucoup pour avoir un peu de temps à moi, toute seule !

  5. Merci et bravo pour tes mots. Ce n’est vraiment pas simple le congé maternité je trouve. On est très seule, et on peut vite tomber dans une spirale celle du je n’y arriverais jamais et chaque jour est une succession d’heure qui n’avance pas. Je n’ai pas vécu mes deux congé mat de la même façon mais à chaque fois je me suis sentie submergée et engloutie. Pour mon premier le retour au travail a été salvateur… Là, je trouve que je manque de temps pour tout, je suis partout et nulle part mais chaque instant agréable est comme une bouffée d’oxygène décuplée. Il ne reste plus qu’à trouver un vrai équilibre, réinventer des façons de faire et trouver des solutions.
    J’ai trouvé très touchant le passage sur ton mec. Aussi adorable et aimant qu’ils soient, nos hommes ne vivent pas l’arrivée de l’enfant comme nous. La maison, la solitude, les hormones, la pression que l’on se mets, celle que parfois on nous mets.
    Mais ça passe et surtout surtout comme tu l’as fait ne pas hésiter à se faire aider par une personne extérieur. C’est bon de te lire, alors si en plus c’est thérapeutique, vivement les prochains articles!

    1. Quel joli commentaire… Et je pense que la législation actuelle, au delà de la pure physiologie, ne nous aide pas à nous sentir plus épaulées. Quelle que soit leur bonne volonté et leur amour, au bout de quelques jours ILS repartent travailler, parlent à des adultes, déjeunent seul le midi et boivent des cafés accoudés au comptoir… Bref. Du chemin à parcourir encore. Bises

  6. Je me reconnais et je me retrouve dans tes mots. Et c’est la raison pour laquelle je sais que malgré la fatigue et la tentation de rester à la maison avec un futur petit nouveau-né, le congé parental n’est pas fait pour moi.
    Bravo en tout cas, de t’en être sortie et d’avoir su appeler à l’aide : ça m’a fait à moi aussi énormément de bien de pouvoir trouver une psy à qui parler de tout ça !

    1. Futur nouveau né ? ???? Pardon mais tu m’as faite bondir ! En tous cas, c’est une chance d’être assez entourée pour oser sauter le pas de la psychothérapie, quand le besoin se fait sentir.

  7. Pour avoir vécu la dépression post partum, je ressens ce que tu exprimes dans ma chair. Je pense vraiment que les premières années de nos enfants ne sont pas les plus belles, dans le sens pas les plus faciles. Tout le monde se concentre sur cette période, et du coup on a l’impression que c’est là que tout se joue, dans ces premiers mois, ces premières années, et si on sombre, la culpabilité s’ajoute au mal-être. Mais de mon côté, je trouve ça totalement normal de ne pas s’éclater avec des enfants en bas-âge, tout comme je trouve super qu’on puisse se réaliser à travers eux. De mon côté, je le pressens, je vais follement aimer les 6/8/10 ans de mes filles. Je le sens. Et oui, avoir du temps (pour soi) rend plus heureux. Si la courbe du bonheur s’infléchit à l’arrivée des enfants, puis remonte quand ils grandissent, ce n’est pas un hasard.

    1. Je crois sincèrement être aussi passée par ce que l’on appelle dépression post-partum… Mais Virginie du blog Ne le dites à personne avait écrit un article tres juste, qui remettait à leurs place les préjugés justement… Il faut que je le retrouve et te l’envoie. Bises, et plein de douceur à venir !

  8. Un très joli texte, très parlant pour moi. Une période que je ne peux pas oublier, des sensations très dures qui parfois me rattrapent encore aujourd’hui, lorsque la charge quotidienne est trop lourde à porter. Je suis contente d’avoir pu échanger, partager avec toi ainsi qu’avec plusieurs autres mamans. Des bisous

  9. Quel texte magnifique et tellement touchant. Je n’ai pas vécu de burn-out parental, mais je me reconnais malgré tout dans ta description de la maman qui voit sa journée comme une succession de taches répétitives et ingrates, tout en aimant son bébé plus fort que tout, mais c’est si dur, et on ne le dit jamais aux jeunes femmes. Et cette journée, quand la porte se fermait le matin sur mon mari, je la trouvais tellement interminable… Alors je te comprends et je me réjouis que tu ailles mieux, que tu t’offres du temps et de l’espace, pour ta propre survie psychique.

    1. Merci bcp pour ton joli commentaire… Et c’est vrai que le plus difficile, je trouve, est de voir cette porte se fermer, irrémédiablement, chaque jour… Et devoir s’y faire ! Mais hzureusement, on finit par voir le bout du tunnel ! Bises

  10. Quel joli billet et comme je comprends ce que tu as pu ressentir. La maternité n’est pas un paradis où tout est beau, tout est rose. Elle apporte avec elle l’immense fatigue physique et la trop grande fragilité psychologique…

    1. Merci Cécilia. Je trouve important de partager ces pensées et sentiments qui nous assaillent, car je me suis trop souvent sentie désemparée. C’est dans ces partages et ces témoignages qu’on puise la force nécessaire et que l’on trouve les ressources pour reprendre la bouffée d’oxygène qui nous manque. Bises

  11. Je me rappelle il y a quelques mois, quand j’essayais de mes petits mots essayer d’alléger vos grands maux en vous laissant apercevoir cette jolie fenêtre…celle que le temps nous ouvre, ou surtout que nos enfants savent ouvrir du bout de leurs petits doigts devenus un peu plus grands et un peu plus autonomes… et ça fait tellement de bien ce nouvel air qui rentre, ce renouveau qui vient aérer nos petites têtes et nous permettre de nous envoler un peu… je suis heureuse que tu y sois, enfin. Il ne te reste plus qu’un peu plus de 35m2 pour pouvoir respirer encore mieux!

    1. Mais c’est exactement ça… La douceur de tes mots qui nous donnait le courage de garder la tête hors de l’eau! J’y suis, moi aussi, je t’ai enfin rejoint ???? Et que ca fait du bien ! Et pour les 100m2… On signe demain, yihaaaa !

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