Non, vraiment, nous n’aurions jamais dû prendre la route nationale. Louper la sortie d’autoroute, c’est un fait, était un élément de notre trajet entièrement et exclusivement imputable à l’état de délabrement avancé de mes lunettes de soleil. Aucunement à mon attention (sans faille), ni à mon sens de l’orientation (inné ( (peu de personnes peuvent se targuer de l’avoir si finement développé)), cela va de soi…
Nous y voilà cependant. Les relais routiers se succèdent (et se ressemblent), les stations services, elles, se camouflent dans les arbres à s’y méprendre. Les peupliers et les platanes laissent entrevoir d’héroïques épreuves, étalant leurs honnorables cicatrices le long des glissières alarmistes.
Mais ce souci du détail routier, cette maîtrise de la carte Michelin à peine dissimulé, cette qualité hautement appréciée de mes congénères voyageurs lors de folles épopées passées n’est plus à démontrer. De là m’autoproclamer apprenti-GPS, il n’y a qu’un pas (mais ceci est une autre histoire, que je ne vous conterai pas là).
J’observe à travers champs les tournesols opiner doucement, les vieilles bâtisses roucouler gaiement. Je compte les ponts traversés, les tours, les détours et les tourments. Et nous voici ici, errants, à la tombée du jour, sur la fameuse nationale empruntée tant de fois jadis par mes grand-parents.
Cela partait pourtant d’une idée, ma foi, fort réfléchie, et que nous ne pourrions qualifier de mauvaise au premier abord… Prendre l’hypoténuse, au lieu de faire le chemin en sens inverse, aller et revenir pour mieux repartir, quelle douce idée, vraiment. Varier les paysages, ne pas perdre de temps inutilement… La campagne est tellement belle en ce début d’automne, teintée de pourpre, de violine et d’oranger. Non vraiment, prenons les choses avec philosophie : dotés que nous sommes d’une âme poétique exacerbée, nous étions fatalement destinés à emprunter le chemin des écoliers.
Mais c’est alors que perdue dans cette admiration bucolique entêtante, un grognement sourd me sort de ma torpeur autosuffisante. D’abord imperceptible, bientôt brutal, mon estomac tout à trac, se rappelle brusquement à mon doux souvenir. Je regarde l’heure, mon rétroviseur, puis le plat en Pyrex me faisant office de brave et vaillant copilote. Sous sa cape d’aluminum, le crumble me titille, m’appelle de son doux et délicat fumet…
Mouais. Tout bien réfléchi, nous aurions dû faire demi-tour. Je commence à pressentir l’incongruité de ce choix alambiqué. Alors certes, il est facile d’écrire cela ce soir, en connaissance de cause, maintenant que je suis saine et sauve, lovée sous un plaid (à carreaux) à côté d’un thé rouge fumant et épicé. Je le concède, céder à la banalité d’un chemin balisé est toujours aisé dans l’après-coup. D’autant que ce fichu crumble commençait à en prendre un sacré coup, coincé dignement entre le levier de vitesse, le pare-brise et le siège-auto.
Quand j’y repense, je ne peux que me questionner sur l’improbable tournure qu’ont pris les évènements. Quel détail aura fait office d’élément déclenchant ? Quel orientation du vent, quelle branche accidentellement décrochée, quelle irrégularité sur la chaussée, quelle route manquée nous aura échappé ? Je ne sais si aujourd’hui la réponse est entière, ni si elle pourra l’être un jour… Mais doit-on forcément porter une attention si décisive aux éléments manquants ?
Et tout ça pour une « Crumble-party ». Et à Montcuq. Si on me l’avait prédit, je n’aurais jamais osé donner crédit à de telles affabulations. Mais nous y voilà, et si votre curiosité vous a menée jusque là, je suppute que vous resterez bien encore un peu avec moi, sur la banquette arrière de cette Twingo indigo, à guetter le détail qui nous fera basculer vous et moi, du côté obscur de cette fabuleuse aventure.
Alors, puisqu’il nous reste encore un peu de route à faire ensemble, allumons le chauffage, installons nous confortablement, étirons nous un peu les bras, et écoutons cette si jolie chanson de Michael Kiwanuka.
Non mais quelle aventure xD
Donc ce n’est pas pour rire, il y a vraiment des trucs qui se passent à Montcuq ??
Qui s’y sont passés, tout du moins ;).
Quel suspens/horizon d’attente/trailer de folie (je te laisse choisir le vocabulaire).
Haha celui qui te convient me conviens ????
Toujours un régal de te lire 😉
Oh toujours un régal de voir que tu passes par ici 🙂 !